Ou comment soutenir un proche qui commence un nouveau projet professionnel !
C’est une situation régulièrement vécue quand on quitte une situation stable, salariée par exemple, et qu’on monte son projet ou son entreprise. Ou même quand on veut quitter son emploi, sans autre projet concret derrière. Il est fréquent que cela génère une palette d’émotions plus ou moins vives, voire des tensions, chez l’acteur du changement et par l’entourage embarqué.
Ce sont des sujets de discussion réguliers à la Cordée. J’ai échangé avec Gaëlle Walker, médiatrice indépendante, membre de la Cordée lyonnaise, sur ces problématiques et voici quelques pistes de réflexion qui peuvent aider quand on va se lancer, quand on veut accompagner, ou quand on est en pleine tornade à la maison ! Il se trouve que les échanges ont souvent abordé ces problématiques dans l’enceinte du couple, et cela se reflète ici. L’idée est toutefois que chacun et chacune puisse s’approprier, d’après sa situation, les réflexions suivantes.
La peur du changement
Avez-vous déjà entendu chez vous ou dit : « Ton modèle économique ne tient pas la route ! »
« Comment va-t-on faire financièrement ?! »
« Tu vas beaucoup travailler, on ne te verra plus ! »
« Et si ça ne marchait pas ? »
Voilà ce que peuvent entendre de nombreux porteurs et porteuses de projet de la part de leur proches, souvent les conjoints ou conjointes, sinon des ami·es très proches, de la famille…
Le manque d’enthousiasme, vécu comme un manque de soutien, imaginer et énoncer le pire, ne voir que les points de faiblesse, les contraintes… Tout cela peut être déstabilisant quand on a besoin, au contraire, d’être rassuré·e.
Ce manque de soutien peut venir d’un besoin de sécurité financière ou de stabilité familiale qui sont alors chamboulés. Cela peut venir de ce que l’on imagine le pire face à l’inconnu. Mille explications peuvent expliquer pourquoi une personne ne réagit pas comme on aimerait face à un nouveau projet.
La réalité versus les interprétations
Pour éviter les tensions et désaccords, l’une des pistes, à ce stade-là de la réflexion, peut être de mettre en évidence avec les personnes concernées les difficultés annoncées, de rendre concrets des éléments factuels liés à la réalité du projet. Ainsi, si l’on prend l’exemple d’un couple, vous partez tous·tes les deux avec une base commune, palpable. On pose les conséquences connues engendrées par le projet au sein du foyer, et on évite les suppositions et les fantasmes qui peuvent inquiéter.
La suite peut être d’imaginer un planning de l’année, les grandes étapes, de voir comment elles vont impacter le foyer, l’entourage. Puis, de proposer des points de mi-parcours qui satisferont chacun·e, et de régulièrement revoir l’organisation. Cela pourra donner le sentiment d’avoir des moyens de revenir en arrière ou de modifier le plan si les conséquences ne sont pas satisfaisantes.
Si le ou la partenaire de vie a peur que la vie de couple, de famille, soit chamboulée, on peut imaginer de programmer des moments ensemble, réguliers.
Cette manière de faire peut rassurer l’autre en étant considérée comme une marque d’engagement et de confiance : nous faisons pour l’autre ce que l’on considère alors comme « une concession », pour lui montrer qu’on entend ses besoins.
De l’idée à la concrétisation du projet
Un autre tips : l’avancée du projet peut également jouer. Si le début peut être compliqué, car nouveau, encore un peu flou, quand le projet devient concret, l’entourage peut mieux comprendre ce qui se joue, certains blocages se lèvent, l’entourage peut devenir plus soutenant qu’au démarrage.
Sentiment de liberté ou de solitude ?
Si monter un projet donne l’impression d’une grande liberté, en réalité, c’est souvent le sentiment de solitude qui accompagne porteurs, porteuses et partenaires de vie. Il y a la peur de l’échec, la densité du travail demandé, etc.
Plutôt que de liberté il faudrait parler de responsabilité, et celle des deux parties, le ou la porteuse et le ou la partenaire de vie : assumer matériellement et structurellement les changements de vie se fera par toutes les personnes du foyer. Ca peut être vécu comme lourd à porter.
Comment rassurer quand on a besoin d’être soutenu·e ?
Cette question vaut pour toutes les personnes impliquées. L’une des solutions, côté porteur, porteuse, est d’aller chercher du soutien ailleurs, au moins pour un temps.
Les réseaux d’entrepreneur·ses peuvent aider à ce moment-là. L’entourage ne peut pas toujours tout comprendre, nous soutenir jusqu’au bout, contrairement à des pair·es avec qui partager ses expériences.
L’entourage peut être une aide également :trouver des allié·es qui vont encourager et qui vont rassurer l’autre personne sur la réussite du projet.
La communication comme levier à la collaboration
Ecouter
Toute forme de résolution de conflit par la communication commence par l’écoute. Pour construire un dialogue constructif, il est indispensable de placer l’autre au centre d’une écoute authentique et détachée de tout jugement.
Dans les pratiques de communication non violente, on appelle cela « l’écoute empathique ». C’est-à-dire laisser toute la place à l’autre et à l’expression de son ressenti. D’une part sortir de notre ressenti à nous, oublier ce que l’on veut reprocher ou dire à l’autre, et d’autre part laisser s’exprimer la personne, permettent de lui faire comprendre qu’on la prend réellement en compte. Le pas de côté est possible seulement si on ne se sent pas soi même en danger dans ce mode de communication, et si on évite que cela devienne un rapport de force « Si je gagne, tu perds. »
Cette posture est très loin d’être simple lorsque l’on touche à ces sujets. Cela demande à la personne en face de soi d’adopter la même posture et que chacune des deux personnes évite le ton du reproche en parlant avant de tout ce qu’elle vit et ressent. Car on ne peut pas juger de la peur, de la colère, de la tristesse d’autrui. On ne peut que comprendre et tenter d’améliorer la situation, sans omettre ses propres besoins.
Dépasser l’opposition
De l’écoute naît la reconnaissance des préoccupations de l’autre. Tant que la communication est rompue, le ou la partenaire peut continuellement se braquer contre tout ce qui concerne le projet de près ou de loin. Et le ou la porteuse tenter sans cesse de se défendre et défendre son entreprise. Opposition, réactions… Il est donc primordial de dépasser la dynamique reproches-justifications.
La collaboration
Si les proches se sentent en insécurité, il est important de leur laisser faire des propositions. Chacun·e doit pouvoir être force de proposition pour trouver ce qui convient à tout le monde. L’idée est donc de reconnaître et d’associer les besoins des uns et des autres pour trouver une combinaison, un équilibre acceptable.
Force est de constater que ce sont parfois les tensions et conflits qui amènent le foyer à plus de communication et à trouver des solutions qui leur sont propres pour ne pas imploser. Si seulement on savait tout cela dès le démarrage !
Une manière de valoriser l’entourage d’emblée, de lui donner une place importante, peut-être de poser les choses, de reconnaître la complexité de ce qui va se jouer, et également de reconnaître que l’entourage peut incarner un rôle d’alerte, d’aide à la prise de recul. Qu’il a sa place au côté du porteur ou de la porteuse en somme 🙂
Toutes ces pistes permettent ainsi de prendre conscience qu’au delà de l’aspect opérationnel, monter un entreprise, se lancer à son compte, peut générer de petites difficultés de démarrage qui débordent du projet en lui-même ! Il faut du temps parfois pour que les personnes impliquées trouvent leur équilibre.
Je remercie Gaëlle Walker pour ses conseils et pour sa relecture, ainsi que les autres relecteurs et relectrices de ce petit article !