La sollicitation d’avis : 10 trucs pour un sondage réussi

Dans une organisation qui se veut horizontale, ou libérée, ou… bref, où tout un chacun peut participer à la prise de décision, vous aurez souvent recours à la sollicitation d’avis. Tel groupe ou telle personne veut prendre une décision, il ou elle a besoin de recueillir les avis d’autres de ses collègues, souvent cela va passer par un sondage.

On ne dirait pas comme ça, mais écrire un sondage est bien plus difficile qu’il n’y paraît. Enfin, si vous tenez à ce qu’il soit honnête, non biaisé, utile. C’est votre cas ? Alors allons-y ! Ces conseils sont également valables pour tout autre type de sondage (business plan, lancement de projet…).

Première question : cela vaut-il bien un sondage ?

Avant de créer votre sondage, soyez très honnête avec vous-même (et avec vos répondants) : quel est le but que vous souhaitez remplir ? Est-il vraiment “honnête” ? C’est-à-dire, vous posez-vous réellement des questions pour lesquelles vous souhaitez solliciter des avis ? Ou le faites-vous par habitude, par défaut, ou pour qu’on ne vous reproche pas son absence plus tard ?

Si vous êtes honnête dans votre sollicitation d’avis, pour affiner vos perceptions et vos connaissances, alors attaquons les quelques règles qu’il faudra suivre (ou les pièges à éviter !).

Les règles à suivre et pièges à éviter

#1 La réponse dans la question

Cela paraît tout bête, mais : ne jamais proposer directement une réponse dans une question. Car, a priori, cela trahit la réponse que vous souhaiteriez que les gens choisissent. Vous introduiriez là un énorme biais : soit le répondant va se ranger de votre côté, soit par contradiction, répondre l’opposé, mais quoiqu’il en soit, il n’aura pas eu la possibilité de penser à la réponse par lui-même, car il connaît déjà votre avis…

Ainsi une question comme “Toi non plus tu n’aimes pas les épinards ?” devra donc devenir : “Peux-tu placer ton goût pour les épinards sur cette échelle ?”. Même une question ouverte peut être biaisée, comme “Que pensez-vous des épinards, cet aliment tant détesté des enfants ?”, dont vous pourrez supprimer la deuxième partie.

#2 Les questions fermées

Les questions fermées sont évidemment très pratiques dans un sondage pour traiter la donnée ensuite : X personnes ont dit oui, Y ont dit non, paf vous avez un pourcentage, c’est beau, c’est propre, c’est net. C’est communicable.

Oui mais voilà, l’humain est fait de nuances. Et quand il est face à une question où on lui propose juste “oui” ou “non” alors que lui aurait envie de dire “bof”, ou “un peu”, ou “ça dépend”, ou “je ne sais pas”… il est coincé (imaginez qu’il n’ait jamais goûté aux épinards ?). Là, soit comme moi il quitte le sondage, soit il donne une fausse réponse. Qui sait, vos résultats seront peut-être remplis de fausses réponses ? Ce serait bien dommage.

Il existe donc plusieurs parades :

  • Explorer toutes les nuances entre le Oui et le Non. A priori 5 suffiront : “Oui tout à fait”, “Oui un peu”, “Ne se prononce pas”, “Non pas trop”, “Non pas du tout”.
  • Proposer une échelle de valeur, de 1 à 10 ou de 1 à 5.
  • Transformer la question en question ouverte (mais bien sûr, les résultats sont ensuite plus longs à traiter).
  • Utiliser l’échelle de Likert : proposer une affirmation, et demander au répondant d’exprimer son accord ou son désaccord par rapport à cette proposition (toujours avec une échelle).

#3 Les questions ouvertes

Ces dernières vous donneront toujours des réponses bien plus qualitatives que des réponses fermées. “Je n’aimais pas les épinards parce que je ne connaissais que ceux de la cantine, mais un jour mamie m’en a fait et c’était délicieux !”

Elles sont plus longues à analyser, mais si la question que vous souhaitez poser est LA question cruciale de votre sondage, elle mérite peut-être ce petit traitement de faveur ?

Une bonne technique est également de commencer par une question ouverte, avant de poser la même question en version fermée (et de faire en sorte que le répondant ne voie pas la seconde avant d’avoir répondu à la première, afin de le forcer à réfléchir à bien donner son sentiment à lui) : “Quand je vous dis ‘épinards’, ça vous évoque quoi ?” (question ouverte, réponse paragraphe), suivi de la question sur le goût pour les épinards.

Ainsi vous aurez du qualitatif, et du quantitatif !

#4 Les questions à choix multiples multi-réponses

Je parle bien ici des questions avec des “checkbox” (carrés), où vous pouvez en cocher plusieurs (sur Google Form elles s’appellent “Cases à cocher” en français). Très pratiques également, les questions à choix multiples vous permettent de catégoriser votre répondant.

Attention à ne pas les confondre avec les “boutons radio” (ronds, qui elles s’appellent choix multiple sur Google Form, oui je sais c’est confondant), où le répondant ne pourra donner qu’une seule réponse ! C’est une erreur basique, souvent croisée, et qui vous ruine un sondage (“Sélectionnez vos préférés” et vous pouvez n’en sélectionner qu’un…).

Les questions à choix multiple sont une forme de question fermée (vu que le choix de réponses est limité). Comme toute question fermée, si elle est importante, elle mérite d’être précédée d’une question ouverte (la même, sans réponse proposée), afin d’évaluer si, sans l’influence des réponses que vous lui fournissez, le répondant a la même intuition ou réflexion que vous.

Êtes-vous bien sûr.e de l’exhaustivité des réponses que vous proposez ? Sinon (voire dans tous les cas), n’oubliez pas d’ajouter comme dernière réponse la réponse “Autre” qui permettra au répondant d’ajouter sa réponse aux vôtres.

Enfin, il peut être sûrement plus intéressant, qualitatif, pour vous de proposer de classer les réponses de la meilleure à la plus mauvaise, plutôt que de demander “vos 3 préférés” ou “les sentiments qui vous animent quand…”. Avec la possibilité de classer, le répondant pourra bien mettre en valeur les réponses qui lui plaisent le plus, et l’échelle de valeur s’étendra jusqu’aux réponses qui lui plaisent le moins.

#5 Les questions obligatoires

Faites très attention avec les questions obligatoires. Que dis-je, faites vraiment très très attention avec les questions obligatoires. Vous savez, sur Google, ce sont celles qui disposent d’une petite astérisque rouge ? Vous ne pouvez pas avancer tant que vous n’avez pas répondu. Oui mais voilà, si la question ne vous plaît pas, ne vous concerne pas, ou que vous n’avez pas envie d’y répondre pour une raison ou pour une autre, mais que cette question vous empêche d’exprimer ce désaccord, eh bien vous voilà coincé.e. Obligé.e de donner une fausse réponse. Ou vous quittez le sondage…

Je dirais qu’une question ouverte n’est jamais obligatoire. Une question à choix multiples qui ne dispose pas de la réponse “autre” n’est jamais obligatoire. Une question fermée qui ne dispose pas de la réponse “non concerné” n’est jamais obligatoire. Mais surtout, SURTOUT, dans un sondage externe, une proposition de laisser son email en fin de sondage n’est JAMAIS une question obligatoire.

Seules doivent être obligatoires les questions qui ont une importance cruciale pour le sondage. Celles pour lesquelles, si vous n’avez pas de réponse, alors la participation du répondant n’a plus d’intérêt. Par exemple, si la personne ne répond pas à la première question, qui qualifie son goût pour les épinards, alors la suite du sondage importe peu.

#6 Les questions conditionnelles

Il est très désagréable de devoir répondre à une question qui ne nous concerne pas. Surtout lorsque l’on a précisé plus haut dans le sondage que cela ne nous concerne pas. Ainsi, si l’on a répondu que l’on détestait les épinards, la question “Combien seriez-vous prêt.e à payer une boîte d’épinards ?” n’a pas de sens.

Pour parer à ce genre de cas désagréable, les outils de sondage proposent tous de sauter des questions ou des sections entières pour arriver directement plus tard dans le sondage, en fonction de la réponse à une question précédente. Si tout votre sondage concerne la vente d’épinards et qu’en première question votre répondant indique qu’il déteste les épinards, alors a priori il peut arriver directement à la page “Merci” de votre questionnaire. Vous ne lui aurez pas fait perdre son temps, et vous serez sûr.e de ne pas avoir de “fausses” réponses dans vos données.

#7 Les questions de prix/tarifs

Méfiez-vous comme de la peste des questions de prix ou tarifs. Il est très difficile d’y répondre honnêtement, et très difficile de ne pas biaiser les questions concernées. À la question “Combien seriez-vous prêt.e à payer tel produit ou service ?”, vous aurez sûrement des réponses qui vous rassurent… mais qui ne présagent en rien du réel acte d’achat que feront les consommateurs (même ces répondants qui essaient d’être honnêtes) une fois qu’ils seront vraiment face à ce choix d’acheter ou non. La question du combien est en effet comprise comme dans l’absolu, “si vous achetiez un jour ce produit”. Ce qui n’est, en rien, garanti.

Pour vous approcher un peu plus de la réalité, essayez peut-être de savoir combien vos répondant dépensent actuellement pour un produit ou un service équivalent (oui, je sais que votre idée est révolutionnaire, mais essayez de trouver un comparatif ?). Là vous aurez plus de chance d’avoir un fait tangible et vrai. Et encore… la perception du budget alloué et le vrai budget alloué en fin de compte sont parfois bien différents.

Dans tous les cas, la question du tarif est a minima une question ouverte. Libre. Toute proposition de prix biaiserait la réponse et vous donnerait de faux résultats.

#8 Introduisez, aérez, et prévenez !

Pensez à faire votre introduction directement sur le sondage. Souvent, vous la ferez en dehors (dans le mail, le post sur les réseaux sociaux qui l’accompagne…). Et si quelqu’un s’amuse à transmettre votre sondage, les nouveaux répondants sont privés de cette information. Or elle est cruciale ! Pourquoi me sollicite t-on ? Dans quel cadre, quel but ? Combien de temps répondre va t-il me prendre ? Toutes ces infos doivent se retrouver au tout début du sondage.

Aérez-le ensuite en sections cohérentes, et si possible introduisez ces sections. Ne donnez les informations dont a besoin le répondant qu’au moment où il en a besoin, afin de ne pas le biaiser en amont. Pour notre sondage sur les épinards :

  1. Bonjour, sondage sur un projet impliquant les épinards. Vous en saurez plus au cours du sondage, mais d’abord quelques infos sur vous ?
  2. Vous et les épinards : quel est votre relation avec cet aliment ?
  3. Notre idée : les épinards à la poêle, quelques détails techniques sur l’idée. Qu’en pensez-vous ? Seriez-vous acheteur ?
  4. Merci pour tout, commentaires libres, possibilité de laisser son mail pour être tenu au courant.

Si en 2 la personne répond qu’elle n’aime pas les épinards, sautez la partie 3 et faites-le atterrir directement en 4.

Prévenez toujours de la durée que prend le sondage (soyez honnête) et tenez au courant le répondant au fur et à mesure de où il en est (barre de progression ou nombre de questions restantes).

#9 Longueur du sondage

Enfonçons des portes ouvertes : plus le sondage est court, plus vous avez de chances que les gens aillent jusqu’au bout. Ceci étant dit, la longueur dépendra bien sûr de ce que vous souhaitez recevoir : qualité, ou quantité ? 50 réponses fournies dépassent peut-être en valeur 500 réponses peu qualitatives ?

Ne mettez jamais de question par défaut, par habitude. Pour chaque question, demandez-vous : ai-je vraiment besoin de cette information ? Ce questionnement est particulièrement valable dans la partie “qualification du répondant”. Avez-vous vraiment besoin de l’âge, du sexe de la personne ? Quelle information cela vous donnera t-il ? Dans notre sondage épinards, ne serait-il pas plus intéressant de savoir combien de personnes il y a dans le foyer et est-ce que vous avez affaire, dans ce foyer, à la personne qui fait les courses ?

#10 Tester son sondage

Avant toute diffusion, testez votre sondage auprès des gens de votre entourage que vous placez le plus haut dans la catégorie “intègres”. Demandez-leur de vous dire tout ce qui leur passe par la tête en répondant à votre sondage : “Je m’attendais pas à cette question”, “Ces choix de réponse m’ont dérouté.e”, “Là je me suis senti.e forcé.e à répondre ça”… Idéalement, surveillez-les pendant qu’ils le remplissent et notez leurs réactions.

Si vous n’en avez pas la possibilité, vous pouvez aussi le leur envoyer et leur demander juste après : “Pensez-vous que ce sondage remplit sa mission ?”, “Y a t-il des questions en trop, d’autres qui manqueraient ?”, “Avez-vous été dérouté, ou embêté, par certaines questions ?”, “Est-ce trop long ?”, “Avez-vous manqué dans ce sondage d’espaces d’expression libre ?”.

Normalement, après tout cela, c’est tout bon.

Y’a plus qu’à lancer !

En interne, dans une organisation, c’est une étape facile. Mais en externe, c’est probablement là que réside votre travail le plus important. Vos amis, votre famille vont répondre… pour vous faire plaisir ? Leurs réponses seront-elles honnêtes ? Si vous souhaitez vous en assurer, vous pouvez demander en partie “qualification du répondant” : “Comment avez-vous eu connaissance de ce sondage ?”. Question à choix multiples comprenant la réponse “Je connais un.e des porteur.e.s de projet”. Et hop, vérifiez que leurs réponses correspondent aux réponses du reste de la population ;).

Pour certains sondages, l’idéal est aussi de procéder en direct, pour recueillir le choix des mots spontané, la communication non verbale, la compréhension même de la question est un élément de réponse.

Pas d’astuce pour la diffusion de votre sondage, évidemment il faut que vous trouviez à vous rapprocher le plus possible de votre cible, et à vous éloigner autant que faire se peut de votre premier cercle de relations. À vous de jouer !

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